C’est sous un soleil radieux que la 34ème édition d’Art Rock a eu lieu à Saint Brieuc ce week-end. Axé sur le thème « fantastic elements », comme le montre l’affiche réalisée par Neil Krug, le festival a fait la part belle aux quatre éléments ainsi qu’à un cinquième, le pixel. Le tout au travers d’une programmation mêlant musique, danse, expositions ou encore vidéos avec les séances Arte où d’excellents documentaires étaient diffusés gratuitement (Soundbreaking, Music On The Road et Zapped). Retour sur la journée du 3 juin.
Quand Art Rock a lieu, c’est tout le centre-ville de Saint Brieuc qui est mobilisé. Chaque rue et chaque lieu culturel réservent leur lot de surprises et c’est une ambiance festive qui s’empare des habitants et des curieux venus se balader et découvrir cet événement incontournable. A Vacarm, notre chemin a commencé par le musée de Saint-Brieuc où se tient l’exposition « Fantastic Elements » qui regroupe les œuvres de plusieurs artistes contemporains : Bill Viola, Julius Popp, Lynn Davis, Don Ritter et Nils Völker. Si, les années précédentes, Art Rock nous avait habitués à des expositions intéractives orientées vers le numérique, ces différentes œuvres présentent, il faut bien l’avouer, peu d’intérêt. On y croise un public un peu dérouté qui cherche une signification à ce qui lui est présenté sans réellement comprendre. Après cette petite déception, nos pas nous mènent vers le village du festival où les musiciens du métro de Paris jouent pendant que les badauds se rafraîchissent aux buvettes.
C’est dans cette ambiance conviviale qu’en fin d’après-midi le concert de Peter Von Poehl attire l’attention. A l’occasion de la sortie de son quatrième album, Sympathetic Magic en avril 2017, le musicien s’est entouré de Héla Fattoumi et Eric Lamoureux, danseurs inséparables, pour créer un concert chorégraphié. C’est dans le magnifique décor du petit théâtre que le public se masse très curieux et avide de découvrir cet univers poétique mais aussi cette forme inédite de live. La petite troupe réussit le challenge avec brio, en mêlant sensibilité et humour. On y découvre les excellents titres de ce nouvel album (« Inertia », « King’s Ransom » ou encore « Elysium ») et c’est sans micro, uniquement accompagné de sa guitare acoustique, que Peter Von Poehl conclut son set de 1h10 avec sa célèbre chanson « The Story Of The Impossible », devant un public scotché par sa voix et son talent, à tel point que l’on aurait pu entendre une mouche voler. Cette performance du suédois sera sans conteste l’une des plus réussies de cette nouvelle édition d’Art Rock.
Il faut ensuite flâner quelques minutes dans les rues de Saint Brieuc, au son des nombreux concerts programmés dans les bars de la ville dans le cadre d’Artbist’rock, pour rejoindre la scène principale du festival. C’est là, qu’à 18h, Bombino ouvre le bal de la Grande Scène. Omara Moctar, de son vrai nom, est né à Tidene, un campement touareg au Niger. Rien ne le prédestinait à monter sur les scènes du monde entier il y a encore quelques années. C’est le réalisateur américain Ron Wyman qui, après avoir entendu parler de ce prodige de la guitare jouant entre la rébellion touarègue – qui coutera la vie à deux de ses musiciens – et l’exil, lui mettra le pied à l’étrier en 2010 en lui permettant d’enregistrer son premier album Agadez. Ron Wyman n’en restera pas là puisqu’il tournera également un documentaire, intitulé Agadez : musique et rébellion, consacré au musicien. La musique de Bombino parvient alors jusqu’à Dan Auerbach, leader des Black Keys, qui lui ouvre les portes de son studio pour enregistrer Nomad en 2013. C’est donc avec beaucoup d’impatience et de curiosité que nous attendons de découvrir Bombino en live. Malgré une foule clairsemée, le musicien jouera un set impeccable mais, malheureusement, dénué de toute communication et d’intéraction avec le public. C’est presque sans un mot et sans un regard pour ceux venus le voir que Bombino repartira de Saint-Brieuc, sans avoir réussi à marquer les esprits.
Heureusement, Ibibio Sound Machine prend le relais quelques minutes plus tard pour mettre de l’ambiance. L’énergie d’Eno Williams, la chanteuse anglo-nigérianne, accompagnée de ses acolytes londoniens, Maw Grunhard, Leon Brichard et Benji Bouton, et du guitariste ghanéen Alfred Bannermanl, réveille peu à peu les spectateurs. Ce melting pot culturel où le highlife se mélange à l’electro et au disco, fait transpirer le public briochin et donne enfin une impulsion à cette soirée du samedi.
Il est attendu de pied ferme par un public très diversifié, âgé de 7 à 77 ans. Julien Doré, tête d’affiche de la soirée, monte sur scène à 21h30 avec la ferme intention de « faire exploser le disque sur scène » pour reprendre ses termes. Après avoir réadapté son spectacle habituel de 2h30 au format festival de 1h15, le chanteur ne lésine pas sur l’énergie qu’il dépense pour offrir aux spectateurs un concert mémorable. Et c’est un pari réussi pour le chanteur dont le leitmotiv est « quand on a la chance de vivre de la musique, on se doit de faire les choses sans se demander si cela va plaire. » Entre le panda géant qui vient faire une petite danse sur « Coco Câline » et les serpentins géants lâchés sur le public au son de « Les Limites », Julien Doré et ses musiciens, avec qui il joue depuis maintenant douze ans, enflamment le cœur des Bretons sur lesquels les averses de pluie ne semblent avoir aucun effet.
Pendant que Deluxe, Acid Arab et Clément Bazin assurent la suite sur la grande scène, certains se restaurent aux stands de rock’n’toques pour y déguster les créations culinaires de chefs étoilés (dont le burger vegan de Julien Doré) et d’artisans pâtissiers. D’autres encore se pressent pour aller voir ce qu’il se passe à quelques mètres de là, au Forum de La Passerelle, où une ambiance plus rock’n’roll nous attend.
Nous y découvrons les quatre anglaises de The Big Moon qui, malgré leur jeune âge, assurent sur scène. Inspiré par Palma Violets et Fat White Family, le quatuor a sorti son premier album, Love in the 4th Dimension, en avril dernier. On retrouve donc sur scène leurs titres « Cupid », « Sucker », « The Road » et même une excellente reprise de « Beautiful Stranger » de Madonna où la voix de la chanteuse Juliette Jackson fait beaucoup penser à celle de Jennifer O’Neill de Bleech.
Puis c’est au tour des australiens de Parcels de défendre sur scène leur EP Hideout sorti en début d’année. Les cinq jeunes musiciens au look sorti tout droit des années 1970, auront réussi à conquérir sans problème le public et à conforter leur réputation d’étoile montante du rock australien. Enfin, Last Train, que nous avions rencontré il y a deux ans au Pont du Rock, conclut la soirée. Veste en cuir et guitare hurlante, le groupe reste fidèle à lui-même et permet de terminer en beauté cette deuxième soirée de festival.
Malgré une petite baisse de fréquentation avec 76 000 spectateurs sur trois jours, Art Rock confirme sa place de poids lourd dans le paysage culturel breton. La prochaine édition aura lieu les 17, 18 et 19 mai 2018 et promet de belles surprises à en croire Jean-Michel Boinet, le directeur de la programmation, pour qui « on est bien loin d’avoir fait le tour. Art Rock n’a pas atteint ses limites. »