Adolescente, j’écumais les vides greniers pour agrandir ma collection de CDs et de vinyles à bas prix. Au détour d’une caisse poussiéreuse et graisseuse (comme son propriétaire), je découvrais l’album “St Valentine’s Day Massacre” signé Motörhead / Girlschool. Une première écoute m’a suffit pour me ruer chez le disquaire pour acheter l’album phare des quatre londoniennes “Hit and Run”. Ces nanas vous envoyait une sacrée paire de claques !
Au moment où les girlsbands-marionnettes tournaient sans cesse à la radio, ce groupe venue d’une autre génération vous donnait un coup de fouet rock’n’roll au même titre que les Runaways dans un tout autre style. Faire du heavy metal avec autant de couilles que Lemmy (Motörhead – ou Dieu pour ceux qui ne le savent pas encore :)) ? Pas de soucis ! Ce dernier a même été leur premier défenseur.
Premier groupe de filles à émerger dans le monde ultra-masculin du heavy-metal dans les années 80, Girschool a ouvert la voie à des centaines de groupes. Elles continuaient fièrement leur route au gré des albums (13) jusqu’à 2008 et la mort de leur guitariste Kelly Johnson. Huit ans plus tard, Girlschool revient avec un nouvel album “Guilty As Sin”, Kim Mc Auliffe aux commandes.Une rencontre fabuleuse.
“Guilty As Sin” votre 13ème album sort presque huit ans après “Legacy” – c’était plus qu’une pause !
Kim McAuliffe : Je sais ! Je ne m’en suis même pas rendu compte, j’avais posé mon cerveau dans un coin de ma maison et j’ai fait ma vie sans voir le temps passé. Puis notre label nous a appelé presque pour nous gronder en nous disant “il faudrait peut être faire quelque chose ça fait huit ans quand même !” Je ne les croyais pas et puis soudain tu réalises que tu es en 2015 ! Ca fait un choc, je pense qu’avec l’âge on ne veut plus compter les années pour ne pas se rappeler que nous vieillissons aussi.
Et quel coup de pied au derrière ! Puisque vous n’aviez qu’un mois pour enregistrer “Guilty As Sin”…
Ouais, c’est le cas de le dire – on s’est mangé une belle claque ! Nous avons été prévenu en novembre de l’année dernière et nous sommes rentrés en studio en janvier. La belle surprise a été de bosser une nouvelle fois avec Chris Tsangarides (Judas Priest, Thin Lizzy,Gary Moore) – trente ans après l’EP “1,2,3,4 Rock’n’Roll” en 1983 – on ne peut pas dire que ça nous rajeunit mais nous avons fait un travail fantastique pour “Guilty As Sin”.
N’aviez-vous pas peur du résultat en enregistrant votre album en un mois seulement ?
Nous avons toujours travaillé un peu dans l’urgence avec Girlschool. Un temps de travail aussi court, ce n’est pas plus mal, tu évites de trop réfléchir et de t’arrêter sur des choses inutiles – voilà ça c’était pour l’excuse pourri ^^ (rires) ! Pour parler franchement, je n’ai pas vu passer ces huit années. Nous avions mis quelques idées de côté mais parfois il suffit d’une situation spéciale pour être inspiré. Par exemple, j’ai écrit “Take it Like a Band” d’une seule traite à l’arrière d’un van piégé dans les embouteillages alors que nous nous rendions à un concert. J’étais folle de rage mais je devais ronger mon frein, nous ne pouvions rien faire !
De plus, Jackie a un petit studio, elle compose chez elle non-stop. Elle venait me titiller tout le temps alors que parfois je ne voulais pas en entendre parler. Je voulais juste m’occuper de mon jardin et de mon refuge pour lapins. C’est dingue tout ce qu’on peut faire de nos jours avec la technologie pour embêter ses copines (Rires) !
Nous sommes venus en studio avec toutes nos idées et nos compositions, nous savions où nous voulions aller et comme nous n’avions qu’un mois pour enregistrer, il n’y avais pas de temps à perdre.
D’où vient cette idée de faire une reprise de “Staying Alive” des Bee Ges ?
Je décline toute responsabilité dans cette affaire ! Ce n’était pas du tout notre idée ! J’adore la chanson et j’avais même été voir le film quand il est sorti. Je l’ai revu l’année dernière et je le trouve toujours aussi brillant – quitte à choquer quelques uns de nos fans les plus “hardos”. Le film, les chansons et même les parodies sont géniales, ils ont marqués de tes tas de générations mais franchement il ne faut pas le prendre sérieusement ! Je n’ai jamais eu d’albums des Bee Gees et je pense que je n’en aurais jamais. C’était une idée de notre manager de faire cette reprise.
Vraiment ? Et vous avez accepté sans sciller ?
Oh non ! On peut dire que ça a gueulé au début ! Depuis nos débuts, nous incluons une reprise dans chacun de nos albums mais aucune de nous ne s’attendait à reprendre les Bee Gees un jour ! Nous n’arrivions pas à nous mettre d’accord sur le titre à reprendre pour “Guilty As Sin” quand notre manager est arrivé pour nous dire “euh…et Staying Alive ?”. Nous l’avons regardé les yeux écarquillés “Tu plaisantes ou quoi ?”. Chris nous a entendu, il a déboulé dans la salle en défendant corps et âme l’idée de notre manager. Enid (basse et chant) a été la première convaincue quant à Jackie et moi nous ne voulions pas en entendre parler. Denise (batterie) a commencé à faire sa prise – nous râlions toujours avec Jackie pour nous, il été hors de question de faire les “Ah Ah Ah” ! Chris nous a rassuré, ils se feront à la guitare, alors nous sommes rentrés dans le jeu. Au final, nous l’adorons ! Même si nous ne la jouerons jamais sur scène je pense….
“Come the Revolution” est votre premier single d’un album orienté entre coup de gueules politique et sex-songs…
(Rires) je ne veux pas que ma mère écoute celle-ci !
Tu caches encore des choses à ta mère ? (nb. Kim McAuliffe a 56 ans…)
Oh oui je ne rigole pas quand je dis ça ! Même si je pense qu’elle ne les comprendrait pas et qu’elle continuerait tranquillement à faire son ménage (Rires) !
Quant au single “Come the Revolution”, c’est une chanson de Jackie, ça lui tenait à coeur d’écrire sur tout ce qui ne vas pas en ce moment dans ce monde. Nous avons toujours été honnête depuis nos débuts dans Girlschool et quand quelque chose ne nous plaît pas, on le dit haut et fort !
Vous étiez l’un des premiers si ce n’est le premier groupe féminin à tirer son épingle du monde ultra-masculin du heavy metal. Mais vous n’avez jamais brandit l’étendard de groupe féministe et engagé, c’était un choix ?
Beaucoup de monde raconte que nous ne sommes pas féministes mais c’est totalement faux ! Bien sûr que nous sommes féministes ! Regarde notre chanson “Baby Doll” qui traite de l’image de la femme ultra infantilisé comparé à celle de l’homme ou encore “Not For Sale” sur les femmes vendeurs de voiture, un métier vu comme essentiellement masculin. Pas besoin de crier sur tous les toits “nous sommes féministes” pour l’être, il faut agir !
Car aux débuts des années 80, une chanteuse s’est fait une place comme reine de la pop et icône féministe (même si elle en est l’antithèse), c’est Madonna…Quel regard portiez-vous sur elle ?
J’ai horreur d’avouer ça mais pour moi, la chanson “Like a Virgin” est tout simplement génial. Elle n’est peut-être pas féministe dans le bon sens mais c’est une femme vraiment intelligente. Je n’ai jamais acheté un seul de ces albums mais j’ai aimé beaucoup de ses singles. Pour en revenir à notre engagement en tant que féministes dans Girlschool, je ne vois pas de toute manière comment il aurait pu en être autrement.
Avez-vous déjà eu des pressions de votre label ou de votre management sur votre apparence physique ? Par exemple, tu devrais porter si ou ça, soit plus sexy, perds un peu de poids, etc…
Je crois qu’ils n’ont jamais oser nous le demander car ils connaissaient très bien la réponse (Rires) ! Nous avons eu une période plus glam et une période où nous avions décidés de perdre un peu de poids mais toutes ces décisions sont venues de notre propre chef. Jamais personne ne nous as dictés quoi faire pour Girschool.
Je crois que ça fait partis des raisons pour lesquels nous avons été si facilement par les hommes à l’époque, car on se fichait pas mal de savoir ce qu’on pensait de nous, vraiment.
Certaines critiques vous apparente parfois aux groupes féminins pionniers dont descendra le fameux mouvement des Riot Grrrls au début des années 90 (Bikini Kill, The Hole, Bratmobile, L7…)
Oui ! Nous n’avons jamais compris pourquoi ce mouvement a pris tant d’ampleur dans les années 90 alors que c’est typiquement l’esprit que nous défendions depuis des années ! Peut-être parce que la majorité d’entre elles étaient américaines…(Rires). J’adore Courtney Love mais je n’ai jamais compris pourquoi elle s’est fait autant de mal à elle-même physiquement.
Vous vous lancer sur les routes pour une grosse tournée européenne pour les 40 ans de Motörhead avec Saxon. Alors, impatiente ?
Je suis vraiment impatiente de tous les retrouver, ça fait tellement longtemps ! La plupart des gens ont oubliés mais nous avons un sacré passif avec Saxon ! Surtout quand nous écumions les bas-fonds de Londres avec Biff (chanteur de Saxon). C’était la classe de traîner avec “la terreur de Londres” (Rires) ! Mais aujourd’hui, je peux vous l’avouer, nous ne pouvons plus nous prendre des charges en tournée comme nous le faisions dans le temps ! On ne tiens plus aussi bien l’alcool, le réveil est plus compliqué ! On continue à faire la fête bien sûr mais on ne finit pas aussi ravager qu’avant ! Nous consommons plus du thé que de la bière à 17h maintenant (Rires). Mais nous n’avons pas besoin de ça, cette tournée sera fantastique quoiqu’il arrive.
(nb. alors que nous écrivons ces lignes, Eddie Clarke (Motörhead) annonce la mort de leur premier batteur Phil Taylor dit Philty Animal à l’âge de 61 ans…)
Quels sont vos plans pour la suite ?
Nous sommes en tournée avec Motörhead et Saxon jusqu’en février 2016. Je n’arrive pas à croire qu’on passe déjà en 2016 ! Cela fait bientôt trois ans que nous n’avions pas joués toute ensemble. Nous allons probablement enchaînés sur quelques dates en festival, je ne me souviens plus de tout mon planning. Nous ne cherchons pas à remplir un maximum de dates pour payer nos impôts (Rires)? Nous avons beaucoup travaillés et nous avons de quoi vivre confortablement. Je ne comprends pas le fait d’avoir un millier de maison, de voitures, de ci, de ça…pour moi une seule maison, c’est déjà assez à entretenir ! J’ai une maison de famille à côté de la plage et une autre à Londres où vit encore ma mère, pourquoi en demander plus ?
Tu es aussi très impliqué dans la cause animale, d’ailleurs, tu as construit ton propre refuge pour lapins dans ton jardin en Angleterre ?
Si il y a bien quelque chose qui me révolte, c’est la cruauté envers les animaux. Le premier lapin que nous avons secourus, nous l’avons retrouvé presque mort de faim et de froid dans une sorte de vieux cabanon que nos anciens voisins avaient installés au fond du jardin. C’est comme ça que tout à commencer. Aujourd’hui, nous avons 4 lapins et le bruit sur notre refuge s’est propagé, on m’appelle de plus en plus pour me demander de l’aide. C’est super.
Merci à Kim McAuliffe pour son accueil et sa bonne humeur 🙂