La brouille a commencé l’été dernier, par la lecture innocente d’une biographie de Dylan. D’une plume pourtant tendre, son premier amour Suze Rotolo y raconte un artiste ambitieux qui s’est nourri à tous les râteliers de Greenwich Village, et a bâtit une partie de sa notoriété sur des reprises controversées. Voilà qui a de quoi laisser perplexe… Or c’est ce même été que j’ai découvert un contemporain de Dylan: Townes Van Zandt, lui aussi poète à guitare – vaguement instable mais fermement génial. Son ami et musicien country Steve Earle en a dit un jour: “Townes Van Zandt est le meilleur auteur-compositeur du monde, et je n’aurais aucun problème à grimper sur la table basse de Bob Dylan dans mes bottes de cowboy pour répéter ça.”
Pour être parfaitement honnête j’en avais en fait d’abord entendu parler à travers Justin ‘Townes’ Earle, récente révélation country et fils du susmentionné Steve Earle. J’avais suivi la trace de ce deuxième prénom jusqu’à trouver dans un disquaire new yorkais un album live plutôt confidentiel, enregistré à l’Old Quarter devant une soixantaine de personnes. Après avoir écouté ce petit bijou pour la première fois, la messe était dite – j’étais ‘Team Townes’.
Dévorant sa biographie ‘A Deeper Blue – The Life and Music of Townes Van Zandt’ j’ai découvert un artiste entier, que son hyper-sensibilité (et la drogue) ont gardé dans l’ombre. Et je n’ai pas pu m’empêcher de prendre parti: pourquoi Townes, le pur poète refusant tout compromis serait-il moins reconnu que Dylan, l’homme au mille visages?
J’oubliais tout jusqu’au weekend dernier, lorsque j’ai enfin regardé le fameux documentaire ‘Searching for Sugar Man’. On y part sur les traces du mystérieux musicien “Rodriguez”, dont la légende veut qu’il se soit suicidé sur scène sans jamais avoir obtenu la reconnaissance qui lui était due – et surtout sans jamais savoir que ses deux albums étaient en peu de temps devenus cultes en Afrique du Sud. Je m’en voudrais de vous raconter le fin mot de cette histoire riche en rebondissements, mais une des clefs du documentaire était cette même question: pourquoi Rodriguez, musicien doué aux textes pile dans l’air du temps n’a-t-il jamais explosé, tandis que son contemporain Bob Dylan récoltait les honneurs par légions et la légion d’honneur?
L’artiste est certes accompli mais que penser de l’homme? Et c’est ce soir, enfin, devant l’épisode 4 de la saison 2 de Heroes (que je découvre avec 6 ans de retard) que j’ai compris. Comme un des personnages de la série, son super pouvoir à lui consiste en une grande capacité à intégrer et reproduire, couplé à un sens de l’observation ultra-développé qui lui a permis d’adopter la « bonne » attitude, like a rolling stone amassant suffisamment de mousse pour pouvoir toujours rebondir. A l’inverse de Peter Parker, je crains qu’il n’ait jamais entendu cette maxime pleine de sagesse qui veux qu’un grand pouvoir implique de grandes responsabilités. Mais il aurait certainement pu utiliser son ADN de caméléon pour chercher un succès plus rapide dans une toute autre branche, et je me réjouis qu’il ait choisi une voie somme tout plutôt noble.