Actif depuis le début des nineties, Katatonia aura connu plusieurs vies. Muant progressivement d’un death ténébreux à un rock sombre aux enluminures saturées, la formation suédoise est cependant parvenue à conserver un lien solide entre ses différents travaux. Katatonia n’aura pourtant pas échappé aux difficultés inhérentes à l’époque actuelle, la chute des ventes confrontant plus encore que par le passé certains groupes « confidentiels » à de fréquents mouvements de personnel. Si le casting semblait s’être un temps stabilisé dans les rangs des suédois, ces derniers reviennent sur le devant de la scène avec un line-up partiellement remodelé. Dead End Kings s’inscrit pourtant dans la directe continuité de son prédécesseur, composé avec des envies mélodiques plus prégnantes. En gestation de nombreux mois durant, ce neuvième opus se profile certainement comme le travail le plus minutieux livré à ce jour par le quintet.
Avec Dead End Kings, Katatonia se tient à une inébranlable ligne de conduite. En onze compositions, le groupe creuse toujours plus loin les tréfonds de la noirceur humaine et en explore les recoins avec une étonnante sensibilité. Hypnotique, sensitive, profondément désespérée. La musique de Katatonia marque au fer rouge, sans jamais lorgner vers une cathartique libération de hargne incontrôlable. A contrario des albums de la première heure – Dance of December Souls et Brave Murder Day –, Dead End Kings exfolie plus encore que ses prédécesseurs toute réminiscence metal. Composé avec une extrême minutie, l’ensemble témoigne d’une richesse rarement atteinte dans le genre. Les suédois construisent un univers dont ils maitrisent les codes à la perfection, et articulent leurs instrumentations sur la forme d’un maelstrom d’émotions tourmentées, entre rêve et cauchemar. Pour la première fois, Katatonia semble pourtant vouloir laisser filtrer de ci et là quelques rayons de lumière. Dead End Kings s’avère en effet plus prompt à laisser entrapercevoir un vague sentiment d’espoir, aussi futile soit-il – « Undo You », le superbe « Leech » –.
L’association des contrastes offre au tout une réelle puissance émotionnelle et poétique, le voyage musical tenant pour beaucoup à la voix de Jonas Renkse. Vocaliste virtuose, ce dernier imprime à l’album des refrains emplis d’un spleen presque troublant. Renkse livre ici une impressionnante démonstration en matière de chant clair, d’autant plus marquante lorsque ses lignes se voient doublées par l’excellente Silje Wergeland – le magistral « The One You Are Looking For Is Not Here » –. L’approche d’orfèvre dont témoigne désormais Katatonia dans son écriture confère cependant à Dead End Kings une certaine forme d’hermétisme. Relativement difficile d’accès, l’album fait preuve d’une telle complexité qu’il en devient difficilement déchiffrable de prime abord. Pianos délicats, samples racés, harmoniques atmosphériques, Dead End Kings multiplie les détails à l’extrême. Peut être trop. Katatonia prend en effet le risque de présenter un album intello, pouvant être perçu comme un amalgame de ballades anémiques et redondantes. La teneur de l’ensemble se révèle pourtant progressivement au fur et à mesure des écoutes. Certes indiscutablement moins efficace dans le fond dans que The Great Cold Distance, ce neuvième disque n’en reste pas moins passionnant. Le tout se doit cependant d’être abordé avec une oreille différente et curieuse.
Dead End Kings est une œuvre d’art. Formation indispensable, Katatonia transcende une nouvelle fois les genres pour imposer sa vision du monde et de la musique. Qu’importe l'orientation désormais plus rock que véritablement metal, Katatonia reste avant tout garant d’une certaine forme d’expression musicale. Un langage qui lui est propre, et que les musiciens manipulent avec un savoir-faire déconcertant.
.: Tracklist :.
01. The Parting
02. Hypnone
03. Undo You
04. The Racing Heart
05. Buildings
06. Leech
07. The One You are Looking for is not Here
08. First Prayer
09. Ambitions
10. Lethean
11. Dead Letters