Djent. Cinq lettres pour un genre de prime abord énigmatique, à l’instar des Américains de Periphery. Si l’étiquette semble récente, l’approche musicale n’est pourtant pas nouvelle. Déclinaison du math-rock, le djent se caractérise par une écriture complexe, aventureuse, bardée d’influences progressives et d’accords élastiques. L’une des particularités de Meshuggah, à qui Periphery emprunte aujourd’hui partiellement le son et l’accordage. Fondé en 2005, le sextet a su mettre à profit l’aspect viral de la sphère internet en livrant un nombre incalculable de démos. Rapidement signé en major – le géant Roadrunner –, la formation aura pourtant connue une géométrie variable avant de parvenir à stabiliser ses effectifs. Line-up relativement fixe depuis le premier disque éponyme, et dont la cohésion offre au groupe l’opportunité de franchir une nouvelle marche. Periphery II : This Time It’s Personal se dresse en effet comme une réussite à tous les niveaux.
Le nom de Periphery semble être sur toutes les lèvres depuis plusieurs mois. Passé de Roadrunner à Century Media pour la distribution européenne, le sextet aborde le microcosme metal avec un œil nouveau. Si la recette dresse évidemment des parallèles avec quelques grandes références, les musiciens témoignent d’une science de la composition assez poussée. Techniquement affuté à l’art du rock complexe et foisonnant, le combo parvient à une fusion réputée impossible : marier les structures ultra-chargées d’un Meshuggah avec un côté radio-frendly plus accessible. Une orientation résultant d’une certaine aisance à alterner la puissance des saturations avec les incartades ambiancée, construites à grands renforts de samples. Au-delà de son sens aigu en matière de mélopées accrocheuses – la power-ballade « Erised », « Ragnarok » –, Periphery ne sombre pourtant à aucun moment dans la facilité. Periphery II : This Time It’s Personal reste un impressionnant fatras de guitares dissonantes et sous-accordées, difficilement abordable à première écoute. Doté d’une section musclée de trois guitares, la formation accouche de riffs burinés, d’une élasticité bien sentie. Periphery maitrise à la perfection le découpage syncopé et martèle avec une volonté qui éloigne radicalement le groupe d’une quelconque approche commerciale de la musique, et ce malgré ses nombreuses fioritures mélodiques.
Bien équilibré et passionnant de bout en bout, Periphery II : This Time It’s Personal joue la carte des contrastes avec une fluidité exemplaire. Leads virtuoses, attaques assommantes et ambiances éthérées s’articulent et s’emboitent de manière particulièrement millimétrée, la formation brossant pourtant des canevas bien loin des schémas traditionnels. Un défi pour le vocaliste Spencer Sotelo, chargé d’habiller des instrumentations tirant souvent sur les cinq / six minutes. Le chanteur aborde pourtant l’ensemble avec la même ingéniosité que ses comparses, oscillant constamment entre hurlements destructeurs et voix claires catchy au possible. Sotelo signe à ce titre une imposante ribambelle de refrains marquants, ce dernier se révélant particulièrement à l’aise dans les deux registres. La bipolarité du chant se montre si bien maitrisée qu’il est parfois légitime de penser à la présence de deux intervenants bien distincts. Petit bémol cependant sur certaines tirades, un brin trop forcée dans les hauteurs – « Ji », gros point noir de l’album – et par conséquent relativement incohérentes vis-à-vis de l’ensemble instrumental.
Déjà remarqué pour son originalité et son savoir-faire technique à l’occasion de son premier opus, Periphery signe avec Periphery II : This Time It’s Personal un album particulièrement efficace. Evoluant au sein d’un registre aux contours mouvants, la formation se laisse aller aux expérimentations mais n’en oublie pas de doter ses travaux d’une relative accessibilité. Riche et passionnant, Periphery II : This Time It’s Personal se profile assurément comme l’un des albums immanquables de ce milieu d’année 2012.
.: Tracklist :.
01. Muramasa
02. Have a Blast
03. Facepalm Mute
04. Ji
05. Scarlet
06. Luck as a Constant
07. Ragnarok
08. The Gods Must Be Crazy!
09. Make Total Destroy
10. Erised
11. Epoch
12. Froggin' Bullfish
13. Mile Zero
14. Masamune