Nicolas Bénard, docteur en histoire et chercheur associé auprès du Centre Culturel des Sociétés Contemporaines nous fait part ici de son dernier ouvrage sur le sujet, après La Culture Hard-Rock en 2008. On peut aborder ce livre de deux manières distinctes: le lire d’une traite comme un essai, ou bien piocher un article au hasard ou de manière plus ciblée. Les thèmes évoqués sont on ne peut plus divers, de la religion à la politique, en passant par l’imagerie, les influences historiques et même les tabous du monde du Métal, comme l’homophobie ou les connivences avec l’extrême-droite.L’ouvrage est agréable à lire, aéré et ponctué de quelques bulles de BD volontairement caricaturales et humoristiques. Il contient aussi des commentaires laissés par les lecteurs dans les magazines majeurs de diverses époques, ce qui nous fait nous dire que si les temps changent, les préoccupations restent un peu les mêmes à travers les années: la place du Métal dans la culture musicale française, l’organisation d’un grand festival français, les innombrables polémiques maintenant presque trentenaires sur Metallica et qui perdurent aujourd’hui… les magazines, fanzines et aujourd’hui webzines ont toujours été un terrain d’expression pour les fans de Métal depuis le début, et on peut y voir un panorama intéressant des sentiments humains.
Soyons clairs, si ce Métalorama nous apprend pas mal de choses, il a pour défaut, et ceci donnera sûrement lieu à débat, de beaucoup se cantonner à une vision du Métal à travers les groupes majeurs du courant, à savoir le Big 4 (Metallica, Anthrax, Slayer, Megadeth) plus Iron Maiden, et d’occulter un petit peu certains aspects du genre. On y oublie un peu parfois qu’il y a une vie en dehors de Metallica, même si on ne remet pas du tout en cause l’hégémonie des Four Horsemen et du Big 4, il est bon de les laisser parfois un peu de côté pour s’intéresser au reste. En effet, on n’y prête que peu d’attention à des franges importantes du Métal comme le Death (seuls quelques mots sur Death et Opeth) ou les évolutions du Métal dans les 90’s et 2000. Le Néo Métal est bien sûr le parent pauvre du livre, ainsi que les mouvements à la frontière du Métal, comme le progressif (à part il est vrai quelques évocations de Dream Theater), le Stoner, le Sludge ou encore la Fusion. La résurgence des groupes mythiques du Métal aujourd’hui vient aussi en partie du fait que les Slipknot, Rage Against The Machine ou Korn ont maintenu dans les 90’s un intérêt pour ce style de musique alors que les «gros» perdaient de la vitesse… et sans parler des System Of A Down, Tool ou Primus qui ont tenu bien des fans de Métal en haleine pendant les sombres années de Metallica et consorts…
Le livre se termine cependant sur une belle note d’espoir pour le Métal français, incarnée par Gojira, aspect que l’auteur n’a pas négligé. Et il est beaucoup question de Métal français dans ce livre, ce qui est une bonne chose et pas une mince affaire, tant il a souffert et est un peu tombé dans l’oubli aujourd’hui. On peut découvrir ou redécouvrir l’ambiance qui régnait dans les années 80, la peur des aficionados que le genre tombe dans l’oubli, et le combat sans relâche de ceux-ci pour faire vivre cet univers musical souvent caricaturé mais, contrairement à d’autres styles, toujours sujet à l’évolution et au changement. Une belle plongée sociologique et culturelle dans un monde riche et contrairement à ce que l’on pense souvent, très coloré.