Apocalyptica était sur scène ce week-end au Hellfest, l’occasion pour nous de revenir sur l’interview que nous avait donné le batteur de ce groupe unique en son genre, lors de la dernière tournée française du groupe. Ayant croisé un nombre impressionnant d’invités prestigieux pour ses albums avec le groupe et appartenant au pays européen le plus prolifique en groupes de Métal, Mikko Sirén a forcément plein de choses à nous raconter…
C’est loin d’être votre première venue ici…
Oh oui, c’est comme-ci c’était de mieux en mieux à chaque fois que l’on vient en plus. Il y à six ans, nous étions venu et nous n’avions qu’un seul show en France et devant 400 personnes… et petit à petit, il y a de plus en plus de monde qui vient nous voir, ce qui est tout à fait exceptionnel.
Quand on se renseigne un peu sur toi, on s’aperçoit que tu n’étais pas un batteur métal à la base…
Oui et je n’en suis toujours pas un! (rires) Je suis beaucoup plus un batteur Rock. J’adore le métal et bien sûr il y à des choses que j’essaie de faire dans ce style… par exemple, les chansons qui au départ étaient jouées par Dave Lombardo, je les approche d’une manière aussi métal que possible mais je ne suis pas aussi Métal que d’autres. Mes influences viennent de divers endroits et ma manière d’appréhender les chansons est différente.
Cela fait quelques mois que le dernier album, «7th Symphony» est sorti, est-ce que vous pouvez maintenant mesurer un peu le succès de celui-ci?
C’est une bonne question. Parfois on se dit que l’on va être un peu frustré si on se base sur les ventes d’album, car l’industrie du disque est en baisse donc c’est compliqué de comparer les chiffres avec les autres albums… La meilleure manière de jauger un succès est la réponse des fans quand vous jouez les morceaux live. Et bien sûr il faut être un peu égoïste, et se sentir bien avec les chansons de l’album que l’on joue. Mais on a vraiment été impressionné par la réaction des fans. On a commencé par jouer deux chansons du nouvel album, dont l’atmosphère est forte, tendue, presque théâtrale, et la réaction a été géniale.
Vous abordez un peu tous les styles de Métal dans cet album, du plus calme au plus violent. Était-ce un choix délibéré de votre part?
Oui absolument, et spécialement sur les titres instrumentaux où l’on a vraiment voulu se remettre en question. On a tous senti que l’on pouvait progresser lorsque l’on faisait de l’instrumental: être plus audacieux, bouleverser les règles du jeu, casser le rythme couplet-refrain… Cela nous a mené à penser que comme on aime tous des différents styles de musique, si on se donnait un peu plus de liberté créative, on pouvait créer un album plus versatile, qui touche différents styles. «Beautiful» est le titre le plus classique que nous ayons jamais écrit, alors que celui que nous avons fait avec Joe Duplantier de Gojira est carrément Hardcore Métal!
Justement, qu’avez-vous tiré de cette collaboration avec ce grand nom du Métal français?
C’est un mec génial, tout comme son groupe d’ailleurs. Je ne l’ai pas beaucoup vu car c’était une collaboration étroite entre lui et Eicca, et ils ont vraiment travaillé que tous les deux, même au niveau des paroles. Cette chanson est vraiment géniale car c’était un moyen pour nous d’étendre notre style vers d’autres limites, et pour Gojira, ce n’était pas une chanson qu’ils joueraient habituellement non plus. Donc c’était un beau trait d’union entre les deux mondes. Gojira est vraiment un grand groupe. Et il y a aussi ce groupe qui fait nos premières parties en France, Dagoba, ils sont incroyables! Ils sont vraiment, vraiment très bons, et en plus ils gagnent à être connus en tant que personnes. Ils déploient une énergie et une dévotion dans ce qu’ils font…
Dave Lombardo (Slayer) a passé pas mal de temps avec Apocalyptica, est-il toujours une source d’inspiration pour toi?
Absolument. Il est peut-être le premier batteur Métal que j’ai vraiment écouté. Au départ je me suis retrouvé en studio avec Apocalyptica à produire Dave Lombardo en studio, ce qui était un moment effrayant pour moi, quand on sait l’influence de ce gars. Ce n’est pas une Rock Star, c’est un musicien, un vrai, qui aime la batterie, donc en tant que batteur c’est formidable d’être proche de lui. , et d’être son ami. Il fait vraiment partie de la famille. Je crois que je suis toujours celui qui insiste le plus pour qu’il vienne jouer tel ou tel morceau…
Parmi les nombreux artistes que vous avez invité sur vos albums, ou ceux que vous avez croisé sur la route, quels sont ceux qui vous ont le plus impressionné?
Dave Lombardo, justement, car nous sommes très proches de lui. On a eu la chance de jouer avec de telles personnalités… pour moi la personnalité est la chose qui me touche le plus chez quelqu’un. Je peux être impressionné par les qualités techniques mais l’aspect personnel est le plus important. Des artistes comme Nina Hagen ou Corey Taylor (Slipknot, NDLR) sont des gens tellement profonds, des artistes qui ne font aucun compromis… et je respecte ça le plus au monde.
Vous avez travaillé avec Joe Baresi pour la production du dernier album, qui est lui aussi une référence du genre, pour avoir travaillé avec des groupes comme Tool ou Bad Religion… qu’avez-vous tiré de cette expérience?
Beaucoup de choses. C’est au delà de l’approche de la musique. J’ai travaillé avec deux grands producteurs, ils ont des personnalités très différentes mais il y a des points communs évidents comme le fait de concentrer les chansons sur là où on on veut emmener et porter l’auditeur. Il y a des chansons très progressives, avec de nombreuses couches différentes mais eux essaient de donner un fil conducteur à tout ça. Il faut laisser de la place à l’auditeur pour l’imagination, une liberté pour qu’il explore la chanson à sa guise, mais il faut garder un chemin pour le guider à travers la chanson, et c’est ce que Joe a essayé de faire avec moi. Il me disait de me concentrer sur les parties de batterie, parfois de me laisser aller, mais à certains moments de jouer juste et pas trop compliqué pour guider l’auditeur. J’ai beaucoup appris à ce niveau là: un peu comme Dave Grohl dans Nirvana, simple mais avec un cœur énorme!
J‘ai aussi appris qu’il vous avait présenté un autre batteur, Aaron Harris (Isis), qui vous a appris à jouer un «Blast Beat» (rythmique spéciale de Métal, NDLR)…
Tu sais, tous les soirs j’essaie de donner le meilleur pour réussir ce truc! Même en studio, car Joe me taquinait avec ça tous les jours en me disant que si je n’y arrivait pas , Aaron le ferait! (rires) J’ai fini par réussir à le faire mais au début je ne pensais pas le faire car ce n’était pas du tout mon truc… Mais Aaron est vraiment un gars gentil, Isis un groupe génial, et c’est vraiment dommage qu’ils aient arrêté…
Pour parler de l’aspect un peu plus technique de votre musique, est-il plus simple pour un batteur de jouer avec les instruments traditionnels du Rock comme la guitare et la basse, qu’avec des violoncelles?
C’est différent. D’un côté dans ce groupe, j’ai pu dicter mon propre rôle, ma propre voie, jouer librement avec les autres qui suivent, peut-être plus que dans un groupe de Rock traditionnel où les chemins sont déjà tracés. Donc d’un côté c’est plus libre, mais de l’autre cela rajoute de la difficulté. Mais j’essaie de continuer à jouer avec d’autres musiciens pour avoir sans cesse de nouvelles idées.
Vous essayez d’innover à chaque album, avez-vous une idée de ce à quoi ressemblera le prochain?
Pas la moindre idée! Il n’y avait pas de fil conducteur au départ pour celui-ci, un son que nous voulions avoir ou quoi que ce soit… cela s’est créé lorsque nous étions en studio, comme les titres eux-mêmes. Donc c’est une manière de faire très exigeante et même frustrante parfois car nous n’avions que peu de temps pour répéter les morceaux… Mais c’était une expérience très enrichissante car l’album sonne vraiment comme on le voulait à la fin. Là nous allons tourner pendant un an et demi environ je pense avec celui-ci, et le prochain sera la somme de tout ce qu’on écoutera d’ici là, tous les endroits que nous aurons vu, toute la fatigue qu’on aura accumulé…
La Finlande est peut-être le pays européen le plus actif sur la scène Métal actuelle, avec un nombre de groupes impressionnant et une place du Métal dans la société inégalée ailleurs. Comment percevez-vous cela de votre point de vue?
On ne le perçoit pas justement, et c’est ça le truc, on est trop proche de cela pour le voir. On ne sait pas pourquoi les radios diffusent autant de Rock et de Métal, pourquoi les gens en Finlande aiment autant ça… ça a toujours été comme cela. Peut-être parce que les groupes finlandais marchent bien à l’étranger et que cela motive les autres… Il y a des gens très importants comme Alex Laiho de Children Of Bodom, qui est comme un héros, une icône de la guitare chez nous auprès des jeunes… mais je ne sais pas quel est l’élément clé de tout ça. Certaines personnes nous disent que c’est à cause des hivers très sombres et du temps, mais franchement il n’y pas que cela…
Un grand merci à Mikko pour sa disponibilité et son accueil chaleureux.
Merci à l’équipe du 106 ainsi qu’à Roger (Replica) qui nous ont permis de réaliser cette interview dans de très bonnes conditions.
Interview et traduction, photos 1 et 4: Julien Peschaux pour Vacarm.net