C’est l’histoire d’un mec, comme dirait Coluche… qui portait une veste rouge, et qui ne s’imaginait peut-être pas que cette veste ferait un jour pleurer une communauté qu’on qualifie souvent de sauvage ou barbare, une communauté que cet homme a défendu bec et ongles devant l’Assemblée et le peuple français, pour montrer qu’elle était un vivier créatif incroyable et que le festival qui réunissait nombre de ses membres était l’un des plus beaux rassemblements qui soit. C’est l’histoire d’un mec, député-maire de surcroît, qui prend lui-même son téléphone et appelle quelques groupes pour leur dire que ça serait bien de célébrer le Métal dans sa ville de Denain, même sans lui. Et son vœu s’est réalisé, dans la tristesse d’un pit orphelin, dans les yeux rouges des Hommes aux cheveux longs où pour une fois le houblon n’y est pour rien, avec les poings levés vers le ciel, qu’il y réside désormais ou non. C’était le festival de Patrick Roy, et le Métal s’y était rendu pour lui.
C’est sur deux scènes, l’une couverte dans le complexe sportif de la ville, l’autre à l’extérieur, que peuvent s’exprimer des groupes de sensibilités très différentes, qu’on n’imagine pas toujours jouer ensemble, mais qui pourtant font cause commune à merveille, ce qui illustre parfaitement la richesse et la diversité de la sphère Métal. C’est d’abord le Métalcore de Dagoba, qui accepte sans rechigner de jouer en plein milieu de l’après-midi dans une ambiance bon enfant, presque familiale, avec un son qui ne les met pas forcément en valeur, mais les Marseillais sont au-dessus de ça: ils viennent faire le boulot, et ne sont pas avares d’énergie pour envoyer leurs «Waves Of Doom» à un public qui comme bien souvent les reçoit très bien. Pas le meilleur show de Dagoba cette année, mais une prestation sérieuse et appliquée.
Dagoba
L’une des attractions de la journée est la présence d’Hacride, demandée par Patrick Roy qui adorait leur univers, et qu’on ne voit pas sur scène aussi souvent qu’on le voudrait. Les auteurs de l’excellent Lazarus viennent présenter à un public qui les connaît peu leurs titres Death progressif, entre technique Death plus traditionnelle et ambiances aériennes à la Tool, avec l’un de leurs morceaux phares, «To Walk Among Them», pour 15 minutes de bonheur exécutés parfaitement dans le moindre détail. Le public non-initié ne s’attendait pas forcément à cela, mais les connaisseurs prennent leur pied sur le son unique de ces poitevins de la Klonosphère, qui nous feront peut-être bientôt l’honneur d’un quatrième album très attendu.
Dans le genre singulier, on peut aussi aisément dire que le canadien Devin Townsend se pose là. Sa voix criarde et ses attitudes de fou furieux, ont de quoi surprendre. Moins sa musique, qui donne dans le Heavy moderne avec des rythmes rapides, œuvre de ce multi-instrumentiste émérite accompagnés d’excellents musiciens qui jouent les compositions de ce Devin Townsend Project, extraites de Ki et Addicted sortis en 2009. C’est énergique, plein d’humour et de mimiques, et on aura même eu droit en dessert à un morceau inédit plutôt violent qui sera sur l’un des deux albums qui sortira cette année. Les fans très nombreux du bonhomme ont été ravis, le set ayant été là aussi distillé efficacement.
Devin Townsend
Puisque la diversité est le maître mot de cette troisième édition des Métallurgicales, on sera servi: d’abord avec le Heavy super-kitsch (désolé pour les fans) français de Manigance qui aura bien fait marrer les plus jeunes, et le show hallucinant, tout en couleurs de Therion, on voit à quel point les familles du métal peuvent être différentes… Le show symphonique très théatral de Therion est tout bonnement très représentatif de certains aspects de la culture scandinave: ébouriffant, original, assumé et parfait techniquement, dans un monde Heroic-Fantasy délirant unique en son genre. On va moins rigoler avec Aqme, mais cela fait combien de temps que les français ne nous ont pas fait sourire? On peut leur reconnaître la vertu de continuer contre vents et marées, mais leur son, à son apogée lors de l’âge d’or du Néo Métal colle de moins en moins à notre époque et ennuie le public de plus en plus. Triste mais vrai.
C’est Stratovarius et son Power Metal finlandais qu’aimait tant Patrick Roy qui achèveront cette édition des Métallurgicales ou l’émotion aura été le maître mot. Les diffusions des discours et des paroles du député-maire le plus Métal de tous les temps sur les scènes, les mots réconfortants pour la famille répétés par les artistes, tout aura contribué à cette ambiance d’hommage qui sera sûrement aussi très présente lors du Hellfest cette année. En dehors de cet aspect émotionnel fort, la diversité des styles et la possibilité de voir tous ces groupes pour un tarif très accessible est une sacrée réussite pour cette petite ville du Nord, et on espère que l’aventure durera le plus longtemps possible. Pour Patrick, sa famille, mais aussi pour nous tous, car il l’aurait sûrement voulu ainsi. RIP.
Photos et texte: Julien Peschaux pour Vacarm.net
Photo Patrick Roy: Havelock