Il y a deux ans déjà que ce trio lillois nous avait fait part de son monde Electro-Rock sombre et aérien, aux confins de la New-Wave et de la Noise, avec un premier méfait intitulé Shoo-Straight-Shout qui posait les bases de ces sonorités cosmiques, récompensées par le Prix Découverte des Qwartz International Electronic Music Awards en 2010. Composé d’un chant féminin, de machines et d’une batterie, le trio évolue dans des contrées autrefois fréquentées par Alan Vega et son groupe Suicide qui ouvrit une brèche pour la musique électronique au début des années 80, et dont Cercueil fait aujourd’hui la première partie des dates françaises, telle une manière de boucler la boucle. C’est avec Alister Chant (PJ Harvey, John Parish) aux manettes que les lillois se sont expatrié au Toy Box Studio de Bristol pour voir si la lumière y était plus grise et les possibilités plus grandes de donner du volume à ce vaisseau sonore ayant déjà pas mal bourlingué au gré des vents scéniques (Printemps De Bourges, Transmusicales 2009 ou encore Pop Montréal).
Au dessus des méandres de cet Erostrate plane une voix féminine, celle de Pénélope, souvent dans la même tonalité, mais cette relative monotonie participe à l’effort global de perdition de l’auditeur dans des sphères inconnues. Dès «Boredom’s Magnetic Eyes» on décolle avec eux dans cet univers à la fois très synthétique mais conservant quelques notions élémentaires de Rock, telles que la batterie hypnotique et infatigable, de longues montées en puissance dignes du Rock progressif ou des refrains dans la veine de Björk ou PJ Harvey qui restent forcément. On croise même quelques guitares saturées bienvenues («Slave Wave», «A Ray Apart») ou des arrangements dignes de Trent Reznor («Jumping War», «The Guest») qui font de cet opus un album définitivement Rock dans un contexte électronique de nappes de basse à la New Order, bruitages made in Kraftwerk et synthés souvent New Wave… En fait, on retrouve essentiellement le côté trip-hop dans la production et le son global du disque, mais aussi dans les structures des titres proches de morceaux de Massive Attack… en dehors de cette sacrée voix féminine aérienne, souvent lancinante et parfois groovy qui œuvre du côté de Mazzy Star ou Zero 7, justifiant à elle seule un rapprochement stylistique avec les productions anglaises des maîtres de Bristol…
C’est sûrement l’une des œuvres importantes du paysage électronique français de cette année que nous offre Cercueil avec cet Erostrate. Une fois l’adhésion faite à l’univers à la fois robotique et psychédélique des compositions du trio, il est très facile de vouloir retourner se perdre dans ces dix titres de qualité très identiques. Pas de morceaux inutiles ou en dessous de la moyenne, mais des titres que l’on a envie d’ajouter à nos playlists trip-hop ou ambiantes tels que l’excellent «Known To None» ou le titre d’ouverture «Boredom’s Magnetic Eyes». Il reste à voir ce que le groupe peut ajouter à cet univers sur scène, là où on y voit forcément un accompagnement visuel important pour plonger le public dans cet univers un peu torturé, calculateur et froid mais capables de belles chaleurs groove à souhait. Un univers complexe en somme mais passionnant et tout de même facile d’accès, tant est que l’on se laisse errer avec cette musique organique, prête à nous absorber à tout moment.
Sortie: 3 mars 2011
.: Tracklist :.
1. Boredom’s Magnetic Eyes
2. After Dark
3. Slave Wave
4. Jumping War
5. Subtitle
6. The Guest
7. Shade Unit
8. A Ray Apart
9. Things
10. Know to None