On ne pouvait assister au Hardcore Slavery Tour sans avoir envie de poser quelques questions à deux des protagonistes principaux de la tournée, Al Core et Radium, qui ont reformé Micropoint il y a de cela trois ans pour le plus grand bonheur des fans de Hardcore à la française. Du passé des Free Parties à l’avenir du Hardcore par le crossover avec d’autres styles, le duo s’exprime avec passion sur tout ce qui touche à ce mouvement, qu’ils animent toujours avec vigueur, enthousiasme et un poil nécessaire de subversion.
Trois ans après avoir reformé Micropoint, êtes-vous heureux d’avoir fait ce choix? Quel bilan en tirez-vous?
Al Core: Sortez moi de là! (rires)
Radium: Je le torture, c’est pour ça! (rires) Non, sérieusement, positif à tous les points de vue, tant au niveau des sorties que du live.
A.: Oui, on en a discuté tous les deux, on en avait envie donc on l’a fait et c’est une bonne chose. C’était un petit pari au départ car on se demandait comment les gens allaient prendre ce retour, mais on a été très bien accueillis. On s’est posé la question au moment de se reformer mais ensuite c’est comme si on ne s’était pas arrêté, finalement.
Vous vous êtes un peu nourri de vos projets solos pour poursuivre l’aventure Micropoint?
A.: Oui, il y a une expérience accumulée, c’est indéniable. Daniel a affuté son style et sa technique en solo, moi pareil, donc Micropoint évolue, mais il a un côté qui ne change pas c’est le son, qui reste du Micropoint.
R.: On a plus d’expérience, des choses plus affutées, mais on apporte toujours chacun les mêmes choses dans le projet, c’est toujours le même mélange.
A.: Ce qui est bien c’est que les gens nous disent que c’est toujours du Micropoint, donc c’est bien de garder cet esprit de base.
Comment placez-vous le Hardcore à la française (Frenchcore), genre que vous avez créé, dans le paysage musical français aujourd’hui? Comme un genre toujours en marge ou bien totalement intégré dans le milieu électronique?
R.: Par rapport au paysage musical français en général, je pense que c’est toujours marginalisé, mais par rapport à la scène électronique, je pense qu’on est sur la bonne voie et que le Frenchcore trouve bien sa place aujourd’hui. Surtout sur la scène Hardcore internationale en fait, car il y a maintenant plus de retombées à l’étranger.
Avec Neurophonie (1999), vous aviez offert à la scène Free l’un des supports musicaux les plus importants. Maintenant que vous n’y jouez plus (ou moins), comment jugez-vous l’évolution de ce mouvement, de cette époque à aujourd’hui?
R.: Que ce soit à l’époque ou maintenant, je ne me suis jamais senti dans le mouvement Free à 100% mais toujours un peu en marge. Je ne vais pas dire que je rejette tout en bloc, mais l’influence que l’on a pu avoir sur les Frees n’est pas quelque chose que je revendique, que je veux expliquer ou que j’ai voulu.
A.: Ça s’est fait au hasard. (silence) En fait c’est surtout le public des Frees qui aime notre musique, et ça c’est très bien car c’est une musique underground, un peu revendicative, jusqu’au boutiste… il y a ce côté sauvage qui va bien à la Free, ça ne me dérange absolument pas. Après on ne peut pas considérer qu’on a créé le mouvement ni rien, on y a juste joué pendant longtemps, jusqu’à une certaine époque.
R.: Après sur l’évolution, ça fait longtemps qu’on y est pas allé, je ne suis pas sûr qu’il y ait eu une vraie évolution ces dernières années…
A.: On est d’accord. Aujourd’hui même les vrais activistes de la Free sont dubitatifs sur l’évolution de leur mouvement.
Pourquoi, quand on voit l’évolution des anciens DJs de Free Parties qui se tournent beaucoup vers la Drum’n Bass ou la Techno plus traditionnelle, avoir choisi de poursuivre dans la voie du Hardcore?
A.: On a gardé Micropoint, après on peut faire des choses plus calmes de notre côté, mais Micropoint reste un projet Hardcore. Il y a déjà des morceaux plus calmes aujourd’hui qu’à une époque.
R.: C’est vrai que par rapport à il y a dix ans, le tempo s’est un peu calmé même s’il reste Hardcore.
A.: Micropoint ne collerait jamais à des projets electro ou house par exemple. Moi je ne le vois pas autrement en tout cas. Après rien ne m’empêche de faire d’autres choses avec d’autres gens, mais qui là ne serait plus du tout du Hardcore. Si je fais autre chose, je fais vraiment quelque chose aux antipodes du Hardcore, car si c’est proche de ce style, ça desservirait le projet Micropoint.
Parlez-nous un peu de cette tournée en particulier. Comment se passe-t-elle et quel est l’accueil du public?
R.: Bien, le public est toujours chaud, avec les années on est de plus en plus rodés donc ça se passe très bien.
A.: Ouais aucun souci, le public est toujours jeune, motivé… impeccable.
R.: C’est vrai que depuis quelques années en France, il y a un bon renouveau du public Hardcore, ça repart clairement à la hausse.
A.: Il y a même une frange du public qui est là aujourd’hui et qui n’a pas grand chose à voir avec le public habituel… je vois pas mal de public club qui vient en soirée Hardcore, et on arrive même à intégrer du Hardcore en club! On arrive même à jouer dans des clubs «généralistes» depuis 4-5 ans, ce qui est assez énorme! T’as un DJ qui fait des jingles pendant ton set, c’est assez marrant. Au début ça me gênait, maintenant ça me fait rire. Aujourd’hui on peut jouer Hardcore dans une ambiance discomobile, c’est génial!
Justement, pour parler un peu du public, comment vivez-vous le fait de jouer devant un public forcément beaucoup plus jeune que vous, puisque vous êtes-là depuis les débuts du Hardcore? Est-ce que vous trouvez des connections inter-génerationelles?
A.: Oui, 16-25 ans environ pour la moyenne d’âge. Moi je n’ai aucun problème avec ça.
R.: Ça ne nous rajeunit pas, ça nous fait nous poser des questions sur notre propre âge, en fait! (rires)
A.: L’ambiance est totalement différente de quand nous on avait cet âge, mais oui la connection inter-générationnelle comme tu l’appelle se fait sans problème. La forme a changé mais le fond reste le même: c’est toujours des jeunes qui vont en teuf, s’éclater pour la musique, la drogue ou autre chose… il n’y a que les modes qui changent. Et c’est pour ça qu’on est contents d’être à la mode aujourd’hui, car on a toujours été en dehors des modes justement en faisant le même son. Les modes évoluent tellement vers le consumérisme musical, les genres se mélangent tellement qu’on ne sait plus définir les styles, on dit plutôt «C’est du…» et on ajoute le nom de l’artiste. Et ça s’applique totalement à Micropoint, car Micropoint reste du Micropoint. Donc c’est une bonne chose pour nous.
Pour parler un peu de ce «crossover» entre les styles, le Hardcore est une musique plutôt violente pour le commun des mortels, comme l’est le Métal par exemple. Punish Yourself s’est par le passé interessé au mélange entre les deux… Pourquoi n’y a-t-il pas plus de passerelles entre ces deux styles qui au final ont des points communs?
A.: Parce que ça a été peu fait jusque là, c’est vrai. On n’en parle pas trop pour le moment, mais justement on travaille dans cette direction là en ce moment.
R.: Oui, disons qu’on bosse sur un album avec des musiciens métal, un chanteur et un guitariste, donc c’est clair que cette direction là nous intéresse beaucoup. Il y a déjà des feats de Vx de Punish Yourself et du chanteur de LTNO sur des albums précédents… C’est une voie dans laquelle on s’engage plus aujourd’hui.
A.: Quand on a bossé avec Punish Yourself et LTNO, on a bossé avec des mecs qui avaient déjà des projets très aboutis, avec leurs façons de voir les choses, etc. Là ce qu’on fait, c’est intégrer les musiciens métal à notre projet pour modeler un truc avec une couleur métal, mais surtout pas prétendre de faire du métal avec du Micropoint. C’est prendre la couleur impressionnante de la guitare métal pour ajouter quelque chose à Micropoint. On en est aux prémices du projet avec quelques maquettes qui nous donnent déjà des résultats très intéressants, donc à suivre.
Comme on est au début de cette année, que peut-on vous souhaiter de bien pour 2011?
A.: Que Daniel raconte moins de conneries! (rires)
R.: Plein d’inspiration et d’énergie…
A.: Oui, c’est ça, continuer, c’est notre vie de toute façon! Tant qu’on a la santé, on y va!
R.: Survivre à 2011 pour voir 2012 et préparer le live de la fin du monde! (rires)
Un grand merci à Al Core et Radium pour leur bonne humeur, leur disponibilité quelques instants seulement avant de monter sur scène, et leur motivation intacte à faire vivre ce mouvement!
Merci à Agnès ainsi qu’à toute l’équipe d’Audiogenic, et celle du Cargö qui nous ont permis de couvrir cet événement et réaliser cette interview dans d’excellentes conditions.
Interview et photos: Julien Peschaux pour Vacarm.net