Le groupe l’avait annoncé dès le départ : le quatrième album studio de Linkin Park ne connaîtrait pas de retour aux sources, les six membres préférant faire évoluer leur musique vers quelques chose de plus conceptuel. Pari risqué mais on ne peut plus courageux de la part d’une formation trop facilement étiquetée "commerciale". C’est donc avec une certaine curiosité combinée à l’espoir de relever le faible niveau du précédent opus que j’aborde le nouveau LP de l’un des goupes qui a indubitablement marqué de son empreinte le Metal des années 2000 et l’adolescence de bon nombre d’entre nous.
Entrons sans plus attendre dans le vif du sujet. Si Minutes to Midnight avait à l’époque divisé les fans du sextet, ce n’est pas A Thousand Suns qui arrangera les choses ! Bref récapitulatif : en dix ans de carrière, Linkin Park est passé du Neo-Metal rageux de ses débuts (Hybrid Theory, Meteora) au Pop-Rock accessible (Minutes to Midnight) pour enfin se tourner aujourd’hui vers ce que l’on qualifiera de "pop electronisante". L’expression fait peur, et il y a de quoi !
Sur cette nouvelle mouture, batteries et guitares ont été rangées au placard, remplacées par des percussions électroniques ainsi que des hordes de claviers. Déroutant ! On remarque également que Mike est plus présent que par le passé et qu’il s’essaye même au chant ! Mais ce qui marque le plus à l’écoute de cet album, c’est son manque de consistance.« Burning in the Skies » et « Waiting for the End », par exemple, sont de potentiels singles mielleux dont il n’y a rien à retirer à part peut-être un sens de la mélodie ennuyeuse à souhait. Chant clair pompeux, beats electro qui manquent de percussion (sans jeu de mots), tout est ici bien trop lisse pour éveiller nos sens. Et ce n’est que le début.
Comme si « Shadow of the Day » (Minutes to Midnight) n’avait pas suffi, le combo remet le couvert en imitant une nouvelle fois U2 avec « Iridescent », en mou du genou pour ne pas changer. L’unique moment où le groupe décide de s’énerver un peu et de montrer qu’il est un groupe de Rock avant tout, on frise le ridicule. L’horrible « Blackout » vous demandera un grand contrôle de vous-même pour ne pas appuyer sur le bouton "suivant" avant la première minute. Si toutefois vous y parvenez, vous découvrirez un Chester qui rappe sur les couplets (non ce n’est pas une blague) puis qui pousse des hurlements totalement forcés sur le refrain, le tout sur fond de musique techno façon années 90. La tournure que prend le morceau devient même hilarante : les scratches du DJ (quasi en grève lui aussi) modifiant la voix de Bennington impressionnent par leur pathétisme et font de ce « Blackout » un titre qui aurait eu sa place sur Reanimation en tant que remix foireux.
A l’inverse, la piste clôturant A Thousand Suns se veut assez minimaliste (bonjour l’incohérence). Chazy Chaz chante seul accompagné de sa guitare acoustique. Et quand je dis "chante", c’est un compliment. En effet, on atteint dans « The Messenger » le paroxysme de ce supplice auditif. S’étant presque privé de tout braillement sur le reste du skeud, le frontman rectifie le tir et couine comme jamais, ce qui a pour conséquence directe d’anéantir toute forme d’émotion.
Malgré cette pléiade de défauts, quelques rares bons moments subsistent en cherchant bien. Soulignons ainsi la présence de certains interludes atmosphériques bien construits, plongeant l’auditeur dans une ambiance voluptueuse, qui s’estompe malheureusement aussi vite qu’elle est apparue (« The Requiem », « Jornada del Muerto », « Fallout »). Enfin, et ce sera tout pour les points positifs, on trouve au coeur de cette collection de ratés « When They Come For Me », titre le moins mauvais de l’opus. Shinoda rappe à son tour sur des percussions tribales tandis que le refrain erre dans les thèmes orientaux. Mais c’est vers la moitié de la chanson que l’on décolle vraiment grâce à une séquence de synthé hypnotique s’insérant parfaitement dans l’ensemble.
Depuis 2003, c’est la chute libre pour Linkin Park. A trop vouloir expérimenter, les américains ont perdu leur identité musicale. De bonnes intentions ne font pas forcément un bon album, voilà la leçon à retenir. Mieux vaut se concentrer sur ce que l’on sait faire (en l’ocurrence du Neo) que de vouloir à tout prix s’aventurer dans des expérimentations approximatives. A Thousand Suns risque d’achever un groupe qui jadis faisait partie des références mais dont on n’attend plus rien aujourd’hui.
.: Tracklist :.
01. The Requiem
02. The Radiance
03. Burning In The Skies
04. Empty Spaces
05. When They Come For Me
06. Robot Boy
07. Jornada Del Muerto
08. Waiting For The End
09. Blackout
10. Wretches & Kings
11. Wisdom, Justice, And Love
12. Iridescent
13. Fallout
14. The Catalyst
15. The Messenger