Froide soirée sur Laval, au cœur des vacances de Février. Pas grand monde ne se promène le long de la Mayenne, d'autant plus que les berges sont laissées dans le noir. Quelques trains passent régulièrement sur le viaduc. Vu ainsi, la soirée ne s'annonce pas très excitante. Heureusement que Laval a trouvé une parade : les concerts du 6par4 et pour cette fois, une affiche prometteuse qui regroupe ce qui se fait de mieux dans les musiques actuelles, dans ce qui mélange l'électro, la pop et le rock.
Les premiers à affronter les planches sont les plus locaux, à savoir des Lillois, en toute logique. Lorsque Cercueil se présente enfin, sur les coups de 21h, le public a déjà pris place dans la salle mais en rang dispersé. Laval n'est plus tout à fait vide mais le froid reste en tête. Cercueil n'aide pas totalement à oublier cela. La sauce prend vite, sans aucun doute. Le son très atmosphérique est impeccable, submerge les oreilles. La déconstruction qui sert de base la plupart du temps déconcerte un peu, devient franchement intéressante… puis lasse. L'attention décline d'elle-même. D'autant plus que les Lillois ne communiquent que trop peu avec le public. Ils se contentent de faire passer leurs morceaux les uns après les autres, ce qui est assez dommageable puisqu'il y avait de la matière derrière.. Mais enfin, d'ici quelques mois peut-être, ils pourront donner la pleine mesure de ce qu'ils font.
En guise d'interlude, un petit groupe affilié à Clues se tape l'incruste : Jerusalem In My Heart. C'est en fait un projet du sonorisateur, à base d'incantations chamaniques improvisés. Déroutant à tout point de vue, cette performance laisse des marques sur tout le monde. C'était juste un moment particulier. Le trouble perdure à la régie, puisque Clues arrive alors que Herman Düne sert encore de bande-son. « Mesdames et Messieurs, Clues », déclare un M. Loyal à l'accent canadien marqué.
Vite fait, le son est coupé. Clues peut enchaîner son premier morceau dans une formation sans batterie, mais avec deux guitares : « In The Dream ». D'entrée, le groupe fait comprendre pourquoi il est une des sensations canadiennes du moment. Ses membres sont terriblement à l'aise sur scène, ils se débarrassent vite fait des chansons les plus évidentes, « Perfect Fit » ou « Crows » pour passer aux choses sérieuses. Ils se montrent surtout très au point pour gérer temps forts et temps morts, faisant sentir au public le moment pour être attentif et celui où il peut se laisser aller.
Clues s'affirme aussi, et surtout, comme un groupe très carré. Dans leur moment le plus fragile, lorsque le batteur passe au premier rang pour « You Have My Eyes Now », celui-ci prend parfaitement le rôle du chanteur timide qui susurre avec doute les paroles. Pourtant, dès que le chant le demande, le batteur arrive à donner toute sa puissance. Tout le set de Clues est dans ce leitmotiv : aucune fioriture, rien ne dépasse, l'efficacité avant le reste. Tout juste quelques mots sont échangés entre les chansons. Même le temps imparti ne sera pas dépassé. Bien que le public, venu principalement pour eux, les réclame, il était dit que la dernière serait la dernière. « Ça sera tout », prévient le chanteur. Il n'y aura alors eu que des morceaux de l'album. Le concert laisse quand même un goût d'inachevé, malgré une jolie fin « Ledmonton » – « Cave Mouth ».
Pour autant, la soirée n'est pas finie. Loin de là même. Le groupe le plus fou de l'année 2009, FM Belfast, passe par la France pour sa « tournée sous-vêtement ». L'éclairage se veut assez sobre, avec uniquement des petites ampoules fixées à quatre des cinq pieds de micro au départ. (Ensuite, l'éclairage classique aidera également.) Surprise par ailleurs, les islandais sont venus avec un guitariste et une flûtiste -qui apparaît pour « Synthia »- dans leurs bagages. Dès le départ, ils demandent au public de suivre leurs paroles de « I Can Feel Love ». C'est-à-dire qu'il doit se baisser sur les « go down » qui précèdent le refrain, où il peut se relever dans une certaine euphorie. Toute la partie non-avertie du public est assez interloquée mais finit par se prendre au jeu. La soirée est ainsi lancée et ne s'arrêtera pas avant trois bons quart-d'heure, durant lesquels FM Belfast ne se contente pas des morceaux de son premier album mais profite de l'occasion pour tester quelques nouvelles compositions aux thèmes toujours aussi improbables dont un voyage dans le temps, la vie des lions…
Petit à petit, le public des premiers rangs évolue. L'ambiance ressemble de plus à en plus à celle d'une boîte de nuit. « Pump », dans une version survitaminée, n'aide pas à calmer la ardeur de certains. Chacun a le sourire au bord des lèvres et remue toujours plus. Plus que sur album, les Islandais empêchent de raisonner. Tant mieux. Les injonctions du groupe sont alors presque anticipées par le public. Quand la reprise de Rage Against The Machine arrive à son tour, sublimée par la guitare (plutôt discrète sinon), les « fuck you » fusent de partout ; les « papapa » de « Par Avion » ne se font pas prier. Cela devient un grand n'importe quoi incroyable (presque comme sur cette vidéo au Point Ephémère). Les scènes pas-trop-grande comme le 6par4 vont parfaitement à FM Belfast, qui se sert beaucoup du public. Même si ça n'ira pas jusqu'à voir tout le monde en sous-vêtement sur le tube « Underwear ». Seul les trois chanteurs oseront le faire. Dommage ?
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Que retenir de cette soirée lavaloise ? Tout simplement qu'il y a encore beaucoup de nouvelles choses à entendre. Qu'il s'agisse de Cercueil, Clues ou FM Belfast, les trois groupes ont exprimé leur façon de défricher la musique actuelle, dans une veine un peu différente qui veut s'éloigner des cloisons. Clues le fait de façon plus évidente, passant d'un tout à un autre aisément ; Cercueil par son atmosphère aypique ; FM Belfast plus insidieusement, se jouant de nous en remettant la techno à la mode. Mais voilà sûrement pourquoi ces trois groupes sont parmi les plus prometteurs en ce moment, ceux à surveiller et à ne pas manquer.