The Cure souhaite, une fois encore et de manière bien plus radicale, faire évoluer sa musique vers des contrées inconnues pour le groupe. Ainsi, Wild Mood Swings jongle avec les rythmiques, s’enrobe de cuivres et de cordes (l’excellent « This Is A Lie », sur lequel les cordes remplacent les synthés en arrière-plan), jusqu’à flirter carrément avec la salsa (le single « The 13th »). Si l’ambiance glaciale des précédents disques laissent principalement la place à des formats nettement plus pop et pop rock (le pétillant « Mint Car »), Robert Smith n’en oublie pas, cependant, d’en éparpiller quelques clins d’œil à travers « Want », impeccable titre d’ouverture rappelant aux spectres de Disintegration, « This Is A Lie » sur lequel les cordes remplacent les envolées synthétiques, ou le très monotone « Jupiter Crash ». Renouant avec une fantaisie qu’il ne s’accordera – malheureusement – plus par la suite, The Cure joue au vieux groupe jazz plein d’autodérision (« Gone ! », surprenant et élégant, bien qu’un peu démodé), au rock californien (« Club America », montrant les nouvelles capacités vocales de Robert Smith).
Au détour des quatorze pistes, The Cure se fait plaisir et maltraite tous les clichés qui l’étreignent, alternant entre le très bon (« Trap ») et le médiocre (l’immondice kitch « Strange Attraction », l’insipide « Round & Round & Round » ou l’ennuyeux « Return »). L’ensemble parait assez inégal, et il eût été préférable de se contenter d’un album de dix titres, qui sans approcher le chef-d’œuvre eût pu dévoiler davantage d’intérêt, puisque moins mollasson et tiède.
Boycotté à sa sortie et depuis complètement oublié par le public, Wild Mood Swings est le premier album présentant une baisse de régime chez les Cure, malgré, au moins, une bonne majorité de morceaux réussis le composant. Loin d’être totalement raté, cet opus souffre d’une redondance appuyée, d'une production creuse, et, surtout, d’un manque d’originalité flagrant pour l’époque (souvenez des Cranberries et autres formations de même acabit), en évinçant les penchants jazzy de certains titres.
En dépit de ses gros défauts, Wild Mood Swings présente un groupe tourné vers l’avenir, un groupe de musiciens intègres, qui se fiche catégoriquement des étiquettes, et qui allie un talent d’écriture et de composition impeccable, bien que pas toujours brillamment mis en valeur. A la répétition sans intérêt, The Cure préfère l’évolution, quitte à malmener un peu son public. Sur ce dernier point, The Cure a frappé fort, mais s'est tout de même perdu en chemin ; un constat déboussolant pour ceux qui prendront la peine de découvrir les B-sides de cette époque, largement plus satisfaisantes.
01. Want
02. Club America
03. This Is A Lie
04. The 13th
05. Strange Attraction
06. Mint Car
07. Jupiter Crash
08. Round & Round & Round
09. Gone!
10. Numb
11. Return
12. Trap
13. Treasure
14. Bare