Rythmiquement mesuré, Versions présentait un Poison The Well pliant sous le poids des années. Composé en effectif réduit suite à des changements de line-up à répétition, le disque laissait présager une mort annoncé à grand renforts de compositions plus accessibles que par le passé. Le groupe s’est pourtant tourné l’année dernière dans une logique underground en composant et publiant trois EPs (I/III, II/III ainsi que III/III) distribués dans les circuits spécialisés. Des sorties hors des démarches conventionnelles de l’industrie musicale, preuve que Poison The Well conserve malgré tout une totale marge de manœuvre et n’écrit nullement en fonction du marché. The Tropic Rot renoue dans ce sens avec une écriture plus libre, vallonnée et nettement plus alléchante.
The Tropic Rot ne s’opère pourtant pas à un retour aux sources pour Poison The Well, l’album n’opérant pas un véritable virage musical en comparaison de son prédécesseur. En onze morceaux, le groupe parvient cependant à insuffler une véritable fouge au sein de sa composition, ainsi qu’à équilibrer les éléments de manière bien plus mature qu’un Versions qui se perdait dans les mélodies rock consensuelles. Les inspirations hardcores des premiers efforts englobent de façon plus marquée des structures certes toujours abordables, mais parallèlement plus inattendues et remarquablement travaillées. Puissance et éructions électriques s’invitent à l’occasions d’une ribambelle de pépites aux embardées soudaines et tonitruantes, les guitares s’autorisant quelques zigzags saturés transcendant des ambiances pesantes (l’excellent « Antartica Inside Me », l’ouverture « Exist Underground », « Cinema »). A l’instar des précédents travaux du groupe, The Tropic Rot conserve un esprit rock’n’roll, mais parvient à se parer de contrastes permettant au groupe l’exploration d’univers bien différents, l'ensemble demeurant cependant furieusement cohérent. Les explosions de riffs et autres décollages post-hardcores ne sont pas utilisés en maitre étalon, et demeurent souvent utilisés afin de dynamiter des compositions avant tout articulées autour de mélodies soignées et envoutantes. The Tropic Rot transpire la mélancolie bluesy et la moiteur d’un été caniculaire, la formation se fendant de passages en mid-tempos très réussis permettant de mettre en exergue des refrains menés tambour battant quelques mesures plus loin (« Who Doesn’t Love A Good Dismemberment ? », « Sparks It Will Rain »).
Poison The Well dépouille par ailleurs certains morceaux de montées en puissance saturées afin de composer quelques ballades poisseuses et habitées, pauses musicales souvent risquées mais sur lesquelles le quintet parvient à conserver une tension de tous les instants (le très bon « Pamplemousse » et se rythmique imperturbable, les envolées stratosphériques de « Are You Anywhere ? »). Le groupe expose sur ses morceaux un petit côté rétro, remarquablement appuyé par une production « sur le vif » qui évite avec brio l’aseptisation du rendu sonore. Le chant de Jeffrey Moreira en est le plus flagrant bénéficiaire, les voix reflétant une dimension chaleureuse, presque live. Imparfaites mais terriblement touchantes, les lignes vocales présentent un timbre clair empreint d’une certaine nostalgie, étrange réconfort qui vient marquer une cassure abrupte avec les hurlements emplis de rage (« Celebrate The Pyre », « Antartica Inside Me »). Le grand huit des émotions exposé par Moreira confère à The Tropic Rot une authenticité presque troublante, le quintet ayant bardé son album d’une sincérité qui venait à manquer sur Versions. Appréciable.
Sans singer ses premières productions, Poison The Well poursuit son évolution musicale en assurant un fameux ré-équilibrage de ses envies. Emballé par un artwork qui ne pouvait mieux évoquer le voyage proposé, le quintet livre avec The Tropic Rot un excellent cinquième opus.
.: Tracklist :.
01. Exist Underground
02. Sparks It Will Rain
03. Cinema
04. Pamplemousse
05. Who Doesn't Love a Good Dismemberment?
06. Antarctia Inside Me
07. When You Lose I Lose as Well
08. Celebrate The Pyre
09. Are You Anywhere?
10. Makeshift Clay You
11. Without You and One Other I Am Nothing