Avec six années d’existence pour plus de vingt sorties au compteur, Nadja demeure l’un des projets les plus insaisissables de la scène canadienne. Une créativité foisonnante pour des expérimentations sensitives, réalisations partagées entre semis-albums aux track-listings épurés et collaborations avec les références les plus méconnues d’un mouvement drone / sludge obscure et souterrain. Nadja évolue dans l’ombre, sans artifices ni préoccupations mercantiles. Une certaine forme d’art brut. Chronique d’une naissance aux forceps.
Skin Turns To Glass renferme trois compositions couchées sur bandes par le binôme lors de ses premiers mois d’existence. Un recueil cérébrale et désillusionné, témoignage viscéral d’expérimentations douloureuses et bruitistes dépeignant un univers de désolation. Nadja fait muer sa musique vers une forme d’art contemporain sombre et apocalyptique, usant des sonorités les plus malsaines et appuyées. Chaque horizon sonore se déroule comme une chute terrifiante et ininterrompue, le duo effaçant d’un revers tout repère, toute attache ou toute habitude d’écoute. Skin Turns To Glass s’expérimente comme une œuvre compacte, unique et fascinante, un voyage d’une noirceur abyssale à travers les recoins les plus sales et désespérés d’un univers en perdition. Lentes et poisseuses, les guitares laissent échapper une plainte continue, électrisante et terrassante, striant chaque mesure d’une présence incontrôlable et stridente. Répété avec une douloureuse insistance, chaque accord s’impose comme un poinçon émotionnel, agissant sur la colorimétrie atmosphérique afin d’imposer les teintes les plus ténébreuses et baveuses. Déjà habillées d’une saturation excessive, ces étendues presque entièrement instrumentales de Nadja se ternissent d’encornures électroniques vrillantes et vrombissantes, parfois si poussées qu’elles en en deviennent désagréablement addictives.
Nadja évolue sans véritable ligne directrice, au ressenti et aux émotions, dirigé par une rythmique changeante voire parfois complètement effacée, noyée sous un déluge d’effets en cascade. Les deux musiciens déroulent leur univers sans autre ossature prédéfinie qu’une vague volonté de greffer de ci et là quelques étranges et stratosphériques divagations. De vagues et sporadiques lueurs d’espoir, perdues aux confins d’un monde chaotique à l'électricité extrême et pesante. Le binôme échappe le temps de quelques minutes de son brouillard oppressant sans pour autant laisser s’exprimer une quelconque rédemption, usant d’un chant mystique en forme de soufflement d’agonie afin de lier ses ambiances. Skin Turns To Glass ne laisse aucun répit, plongeant au mieux sa proie dans un désespoir cotonneux entre chaque écrasante descente dans les failles tourmentées de l’esprit humain.
Skin Turns To Glass est un chef d’œuvre complet, musicalement insondable, émotionnellement renversant. Un grand disque couché sur bandes avec une sincérité à fleur de peau, une échappée musicale expérimentale unique, à l’instar de l’attitude d’un groupe résolument hors-normes. Sublime et aliénant.
.: Tracklist :.
01. Sandskin
02. Skin Turns To Glass
03. Slow Loss