« Elle est ange, il est démon. Ils étaient fait pour se rencontrer. A l’intersection de Felipe et de Charlotte, Felipecha est né ». Ces quelques mots apposés sur la biographie du binôme résument de façon concise le parcours d’une rencontre, celle de deux individus rêveurs sur les rangs de la faculté de Nanterre. Après tout, la folk est avant tout une affaire de simplicité, mais aussi et surtout d’équilibre. Deux composantes indispensables, toutes deux réunies dans le premier essai des jeunes musiciens.
Toute la difficulté de la pop folk demeure assurément dans le talent à imposer un rythme, à éviter la lassitude. Car si certains styles musicaux peuvent trouver des ressorts dans les instrumentations, usant d’ambiances samplées aux sonorités hypnotisantes ou encore d’un jeu d’une alliance électricité / ambiances posées, les morceaux de Felipecha se reposent en toute logique uniquement sur des ossatures dépouillés à l’extrême. Mais la magie opère, De fil en aiguille oscillant constamment entre énergie pétillante (« Quelque Part », « Un petit peu d’air ») et ambiance langoureuses aux voluptés nostalgiques (« Le plancher des cieux », « De fil en aiguille »). Une simple guitare aux accords captés sur le vif, il n’en faut guère plus au duo pour imposer une ambiance aussi chaleureuse que touchante, les deux complices captant sur bandes le genre de musique autour de laquelle on aime à se retrouver. Felipecha contribue par ses échappées acoustiques à actionner la boite à souvenirs, ses habiles tribulations sonores éveillant immédiatement les heureux moments aussi bien partagés au cours des sombres soirées d’hiver autour du feu comme lors des errances nocturnes estivales. Un sentiment de plus renforcé par un enregistrement que l’on jurerait effectué en direct, ce dernier évitant de gommer les petites touches inhérentes au direct, et plus particulierement les frottements de cordes qui greffent à Felipecha toute sa dimension intime et humaine.
Bien que la base demeure résolument tournée autour d’un canevas de guitare acoustique, Felipecha l’illustre cependant d’une multitude d’éléments aussi discrets que raffinés. Pianos, cordes ainsi que xylophones et percussions cotonneuses s’invitent à l’occasion sur les morceaux, dédoublant par leurs interventions les encornures mélancoliques de l’ensemble (« Que restera-t-il ? »). Malgré son aspect apaisant et l’utilisation d’éléments non électrifiés, De fil en aiguille parvient de ce fait à conserver une certaine dynamique, le binôme sachant de plus rendre à l'occasion ses instrumentations plus rythmées (l’excellent « Intra Muros »). Enfin, De fil en aiguille repose de facon massive et comme tout disque folk sur le chant, ici assuré main dans la main par les deux protagonistes. Si le registre ne diffère pas radicalement, le partage des tirades vocales amène des différences de tonalités savoureuses, le duo parvenant à instaurer tout du long un malicieux jeu de questions réponses ainsi que quelques dédoublements appréciables (« Matin du café », « De fil en aiguille »). Un accompagnement vocale poétique qui se fond à merveille dans les instrumentations délicates qu’elles illustrent.
Si De fil en aiguille ne révolutionne pas le petit monde de la pop folk, il en représente néanmoins l’un des meilleurs élèves. A déguster sans modération.
.: Tracklist :.
01. Quelque part
02. Matin du café
03. Un petit peu d'air
04. De fil en aiguille
05. Qu'en restera-t-il ?
06. Je pars
07. La petite Sibérie
08. Le plancher des cieux
09. J'aime dormir
10. Intra muros
11. Juanitita
12. La victoire de Samothrace