On croyait l’électrocardiogramme de Soulfly définitivement bloqué en ligne droite suite aux décevants Primitive et 3. C’était sans compter sur l’arrivée d’un nouveau line-up synonyme de bouffée d’air frais, en particulier en ce qui concerne la six-cordes prise en main par un Marc Rizzo aussi surdoué qu’inspiré. Si Prophecy faisait d’avantage office de test, Dark Ages avait pour sa part enfin annoncé la renaissance d’un Soulfly brut de décoffrage. La tribu de Max Cavalera témoignait d’une véritable envie de revenir aux sources en se rapprochant du Sepultura de Roots, orientation musicale encore plus marquée sur la dernière livraison du grand gourou sous la bannière de Cavalera Conspiracy. Mais la publication de deux albums en six mois avait de quoi laisser planer quelques doutes sur la qualité de ce Conquer, sur lequel l’accueil mitigé reçu par la réunion des frères Cavalera pourrait malheureusement déteindre.
Bien qu’honnête et ultra-efficace, l’album de Cavalera Conspiracy ne présentait rien de bien neuf dans sa formule. Conquer s’adjoint presque le même conventionnalisme, appliqué à la sauce Soulfly. L’album s’inscrit en effet directement dans la continuité de l’explosif Dark Ages, l’effet de surprise en moins. Pour le reste, on retrouvera un groupe décidément peu enclin à inclure les notions d’évolution et d’originalité dans son vocabulaire, mais par ailleurs redoutable lorsqu’il s’agit de s’épancher dans des avalanches de décibels aux encornures thrashisantes (« Doom », véritable dose de brutalité communicative). Les riffs pleuvent en cascade et se voient débités avec une véhémence décuplée, l’énergie retrouvée à l’occasion du précédent opus emballant encore d’avantage les compositions d’un Conquer qui ne sombre jamais dans les pénibles travers néo présents sur les premiers travaux de Soulfly. Du pur Soulfly, mais cependant de qualité, à l’instar des lignes vocales qui n’auront pas changées d’un iota depuis le premier opus éponyme. Rauques et puissantes, les incantations du maître de cérémonie vont droit au but et ne s’embarrassent pas d’inutiles modulations ni de paroles trop vite débitées (le refrain de « Paranoia », basé sur un unique mot). Oubliées les collaborations peu cohérentes du passé, Max Cavalera ne partage le microphone qu’à deux occasions, de plus tellement anecdotiques qu’elles en demeurent à peine décelables (Dave Peters de Throwdown sur le très bon single « Unleash » et David Vincent de Morbid Angel sur « Blood Fire War Hate »). Le chant restera certes et comme d’ordinaire un peu linéaire, mais définitivement ancré dans la tradition Soulfly et de ce fait difficilement critiquable d’autant plus qu’un soin particulier à été apportés aux tissus instrumentaux.
Car bien que le rythme demeure majoritairement effréné et mené pied au plancher par un Joe Nunez aux breaks dynamiques (un « Fall Of The Sycophants » qui démarre sur les chapeaux de roue), Soulfly retient définitivement les erreurs d’un 3 trop monotone et livre un album riche et parfaitement ambiancé. L’atout magique du groupe, Marc Rizzo, permet une nouvelle fois à l’album de gagner une véritable épaisseur, en partie au travers d’une technique affûtée que le musicien vient mettre au service d’instrumentations variées. Bien que moins intéressant que sur Dark Ages, son potentiel en guitare lead éclabousse Conquer de talent (« Enemy Ghost », « Warmaggedon »), les solos restant malheureusement souvent trop courts. Un manquement que les influences tribales viendront cependant en partie compenser, tant ces dernières se bousculent. Ces composantes parviennent a s’immiscer à merveille au sein d’ossatures moins directes que les enregistrements opérés pour Cavalera Conspiracy, Conquer parvenant de ce fait à aisément s’en détacher malgré l’écriture à quelques mois d’intervalle. Cavalera et Rizzo ont en effet réservées de longues étendues réservées aux échappées exotiques, peuplées d’instruments traditionnels donnant corps aux respirations salvatrices nécessaire à l’éradication de la répétitivité d’une musique par ailleurs relativement basique. Le travail de l’invité de luxe Fedayi Pacha est à ce titre véritablement soigné, en particulier à l’occasion d’une composition (« Touching The Void », presque huit minutes au compteur) qui parvient à se détacher des schémas établis pour instaurer avec succès de multiples changements d’ambiances et de rythmes. Un morceau qui se détache des autres et qui démontre que Soulfly peut s’éloigner des ses terrains de jeux classiques.
Un cran en dessous de Dark Ages mais néanmoins plus varié que le Inflikted de Cavalera Conspiracy, la secousse sismique de Conquer confirme tous les espoirs placés en Soulfly suite à l’arrivée des nouveaux musiciens. Un album frontal et bien troussé, de plus servi par une édition limitée impeccable intégrant un concert intégral et bien plus intéressant que le DVD officiel du groupe, The Song Remains Insane.
.: Tracklist :.
01. Blood Fire War Hate
02. Unleash
03. Paranoia
04. Warmageddon
05. War Ghost
06. Rough
07. Fall of Sycophants
08. Doom
09. Rot
10. Touching the Void
11. Soulfly VI