Opeth à toujours réussi à créer la surprise. Quitte à laisser certains adorateurs sur la touche, le groupe n’a eu de cesse d’évoluer, voyageant musicalement de façon parfois surprenante d’un album à l’autre (le doublé Deliverance / Damnation, qui présentait deux facettes musicales opposées du quatuor). Si Still Life avait déjà annoncé la volonté de la formation de s’orienter vers des horizons progressifs plus prégnants, l’arrivée de Per Wiberg aux claviers lors de la sortie de Ghost Reveries avait définitivement ancré Opeth dans cette voix. Long et parfois redondant, le disque, bien qu’indiscutablement bon, n’avait pas pleinement convaincu. Tout en s’inscrivant dans la même lignée que son prédécesseur, Watershed en corrige aujourd’hui les côtés perfectibles.
Une unique écoute suffirait presque à contenter tous les aficionados : ce neuvième opus studio est une perle précieuse, un disque d’une beauté sans nom issu de l’imaginaire d’un homme capable d’explorer les sentiments les plus enfouis en chacun de nous. Les changements opérés au sein du line-up avait pourtant de quoi faire légèrement douter, et si Opeth renouvelle bien son effectif en matière de guitariste et de batteur, l’imagination démesurée de Mickael Akerfeldt semble rester seule architecte du canevas alambiqué de chaque composition. Définitivement inscrit dans une orientation progressive, Opeth ne sort quasiment jamais d’une envoûtante obscurité, mais équilibre une nouvelle fois ses éléments avec un panache certain. Chaque morceau se vit comme un voyage enivrant, échappée vers des paysages aux climats imprévisibles. La tempête guette constamment, s’abattant subitement et sans préavis dans une volée de riffs et rythmiques écrasantes. Une ambiance pesante qui s’installe en seulement quelques accords, greffée aux désormais traditionnels vocaux death arrachés du maître de cérémonie Akerfeldt. L’orage repart pourtant parfois aussi vite qu’il s’est imposé, laissant le champ libre à des tirades acoustiques de haute volée, éclaircies vécues comme une véritable bouffée d’air frais (« The Lotus Eater » ponctué d’un riff élastique et rampant, le tétanisant « Heir Apparent » et son introduction d’une lourdeur sans pareille laissant quelques mesures plus long place à la subtilité des claviers).
Couplé à ces incartades éthérées et teintées d’un esprit seventies, le timbre clair dont témoigne Mickael Akerfeldt est absolument majestueux (l’introduction « Coil », doublée du chant féminin de Natalie Loricks). Virevoltant, d’une justesse sans pareille, le leader y insuffle une incomparable et formidable dose d’émotions et de mélancolie. Une sensibilité qui vient rompre avec toute la colère véhiculée par un chant death ténébreux, peut-être plus rare que par le passé. La virtuosité des deux registres imposent une illustration vocale à fleur de peau et aux visages multiples (le superbe « Essian Peel »). Une quasi schizophrénie s’accordant à merveille aux multiples contrastes et changements d’ambiances dont témoignent les longues explorations instrumentales d’Opeth. Si Watershed applique une nouvelle fois et avec brio une formule propre à Opeth depuis Orchid, le désormais quintet n’en oublie pas pour autant quelques nouveautés, à commencer par quelques solos d’obédiences heavy parsemés avec parcimonie (« Heir Apparent »). La place laissée aux claviers de Per Wiberg va également de paire avec une dimension mélodique et progressive grandissante, le musicien habillant les passades les plus atmosphériques de superbes interventions (le piano de « Heir Apparent » ainsi que la ballade « Burden ») et renforçant à l’occasion le timbre de Mickael Akerfeldt de ses backings vocals envolés.
Dans l’univers clair-obscur d’Opeth, Watershed se place définitivement comme une pièce maîtresse. Un album qui relèverait presque de l’orfèvrerie musicale, sept morceaux d’une formation qui, bien que n’ayant absolument plus rien à prouver, tient à toujours d’avantage pousser son travail vers l’excellence. Sublime.
.: Tracklist :.
01. Coil
02. Heir Apparent
03. The Lotus Eater
04. Burden
05. Porcelain Heart
06. Hessian Peel
07. Hex Omega