L’attente aura été longue. Trois années depuis la sortie d’un véritable premier jet (Soma) qui avait propulsé une jeune formation marseillaise prometteuse directement parmi les incontournables du metal hexagonal. Un véritable tour de force dont peu de formations pourront se targuer après un unique album. Mais la barque avait cependant et malheureusement commencée à prendre l’eau suite aux départs de Guillaume (batterie) et Roswell (basse), section rythmique fidèle depuis les premiers jours. Si l’on pouvait en effet craindre quant à la qualité de ce nouvel opus suite à ces fâcheux événements, Tératologie rassure en à peine quelques secondes. Chronique d’un ouragan sonore.
Malgré l’indiscutable qualité présentée par Soma, ce second effort vient se positionner à un cran encore nettement supérieur, et confirme une nouvelle fois l’énorme potentiel que l’on pouvait déceler chez Eths dès la sortie de son EP Samantha. Tératologie est le fruit d’un travail de longue haleine, aussi inspiré que passionné tant le résultat transpire l’honnêteté par tous ses pores. Eths a livré toute son âme et son cœur dans sa copie, ne s’imposant aucune limite et explosant véritablement les strictes et désormais trop restrictives barrières du genre. Un véritable travail d’orfèvre a en effet été accompli par la paire de guitaristes au niveau des instrumentations, bien plus riches et complexes que par le passé. Le riff plombé instaurant à la musique des marseillais l’ambiance sombre et oppressante qui lui est propre est évidemment toujours d’actualité, d’autant plus que la section rythmique recrutée pour l’enregistrement présente un niveau plus qu’intéressant (le travail de Pierre Belleville à la batterie est simplement fabuleux), mais les musiciens ont indéniablement grandement progressés dans leur écriture. De prime abord, Tératologie demeure assez peu évident à cerner convenablement, mais révèle très vite et au fur et à mesure des écoutes d’incroyables qualités de composition ainsi qu’une trop rare variété dans le metal français. Les marseillais ne craignent plus de sortir des schémas traditionnels afin d’exprimer pleinement leurs envies, accentuant encore d’avantage les contrastes (« Atavhysterie », point culminant de l’album), cassant des rythmique auparavant continuellement soutenue ou prenant véritablement le temps d’installer son univers ténébreux regorgeant de rebondissements et autres changements d’horizons (« Ileus Terebelle », nanti d’un pont inattendu, surprenante échappée aérienne habillée d’une épaisse et effrayante brume).
Eths profite d’ailleurs de ses incartades reposantes plus présentes pour minutieusement inclure au sein de ses orchestrations nombre d’éléments surprenants et bienvenus, badigeonnant avec parcimonie les instrumentations de cordes glauques (« Anima Exhalare »), de chant religieux mystiques (« V.I.T.R.I.O.L »), d’envolées pianistiques baroques (« Hydracombustio ») ou encore de machines étranges et discrètes (« Rythmique de la bête »). Forcément plus ambiancé que les essais précédents, le résultat est à la fois violent et mélodique, pesant et frénétique, aventureux et cohérent. Une palette de gammes qui se laisse tout autant ressentir dans le travail opéré au niveau des tirades vocales, encore plus impressionnantes que sur Soma. Candice navigue avec classe entre les flots, jonglant brillamment entre les différents timbres employés sans apporter de sentiment de cassure ni de refrains téléphonés. Mi-ange mi-démon, la frontwoman superpose les registres, enquille brusquement vers un chant angélique là ou le terrain semblait se construire en faveur de hurlements dévastateurs (« NaOCI », « Priape »), affranchissant presque Tératologie d’une dimension biographique tétanisante. Un sentiment dédoublé par les multiples et étranges sons horrifiques qui viennent se greffer de ci et là (hurlements de terreur sur « V.I.T.R.I.O.L », vomissements en conclusion de « NaOCI »).
Après un Soma maîtrisé de bout en bout, Tératologie sonne définitivement comme l’album de la confirmation. Les marseillais semblent désormais cavaler loin devant, dans les plates bandes d’un Gojira qui a su outrepasser les frontières. C’est bien tout le mal que l’on peut souhaiter à Eths.
.: Tracklist :.
01. Stultitiae laus
02. Bulimiarexia
03. Ondine
04. NaOCl
05. Tératologie
06. V.I.T.R.I.O.L
07. Priape
08. Hydracombustio
09. Atavhystérie
10. Rythmique de la bête
11. Ileus Matricis
12. Ileus Terebelle
13. Holocauste à trois temps
14. Animaexhalare
15. Liquide éphémère